Malgré les coups portés, la classe ouvrière ne désarme pas. En Grèce, en Espagne, au Portugal, chaque manifestation est plus puissante que la précédente. La mobilisation contre la dictature de la Troïka grandit sans cesse.
Au Portugal, le gouvernement a été contraint de renoncer à certaines mesures annoncées. Pour la première fois, les émissaires de la Troïka, ceux que les portugais appellent «les hommes en noir», ont été mis en échec. Certes, il ne s’agit que d’une première victoire, mais elle est importante, car elle confirme qu’il est possible de faire reculer les gouvernements qui se couchent devant l’Union européenne.
Les grèves et les manifestations commencent à faire tâche d’huile, et surtout se sont chargées d’un contenu qui n’est plus uniquement revendicatif.
Ce n’est pas par hasard si les portugais se nomment eux-mêmes les troïkados, c'est-à-dire «ceux qui vivent sous le joug de la Troïka». Face à l’obstination des gouvernements (quelle que soit leur couleur politique) qui refusent de prendre en compte les légitimes revendications, petit à petit dans les consciences se forge la conviction que c’est la démocratie qui est en danger.
Car peut-on encore parler de démocratie, quand les gouvernements et les parlements sont de fait dépossédés de toutes leurs prérogatives, quand «les hommes en noir» dictent, jusqu’au menu détail, les plans de rigueur que les ministres sont chargés d’appliquer ?
En réalité, nous sommes bien confrontés à une dictature. La «volonté du peuple» chaque jour est violée.
Certes, nous ne connaissons pas, du moins pour l’instant, la brutalité des régimes de type fasciste avec leurs cortèges d’horreurs. Mais l'actuel totalitarisme est d’autant plus dangereux qu’il avance masqué. Les apparences de la démocratie sont préservées, la légalité respectée ; mais en vertu du principe liberticide de subsidiarité, les gouvernements imposent des politiques décidées en d’autres lieux; et nous ne sommes consultés que sur les moyens à mettre en œuvre pour les appliquer.
Mais ces manœuvres ont leurs limites.
Que ce soit en Grèce, en Espagne, ou au Portugal, les manifestants certes combattent d'abord les plans de rigueur, mais aussi disent non à la dictature.
On aurait tort de considérer que ces questions ne concernent que les partis politiques. Sans démocratie, il ne peut y avoir de syndicalisme libre et indépendant. Le mouvement syndical ne peut défendre les revendications que s’il conserve la liberté totale de les définir lui-même, sans autre contrainte que celle de respecter le mandat confié par ses adhérents.
De ce point de vue, le TSCG que le gouvernement s’apprête à faire ratifier est véritablement liberticide, car la funeste «règle d’or» enferme a priori les revendications dans un cadre prédéterminé par la Troïka.
L’installation du «Haut conseil du financement de la protection sociale» en constitue un parfait exemple. Ainsi son article 114-01 stipule : «Le Haut conseil mène des travaux sur les moyens d’assurer, pour la protection sociale, en cohérence avec les prestations qu’elle couvre, un financement pérenne, favorable au développement et à la compétitivité de l’économie française, compatible avec les impératifs de solidarité et d’équilibre des finances sociales, dans le respect de la trajectoire des finances publiques».
En conséquence, nous sommes invités à réfléchir, mais dans le cadre contraignant imposé par la Troïka, et dorénavant accepté par le gouvernement.
C’est bien sûr inacceptable pour des syndicalistes indépendants.
Le gouvernement est maintenant entré totalement dans la logique de l’austérité.
Petit à petit, il dévoile les nouvelles mesures qui, toutes, conduisent à des baisses du pouvoir d’achat, lesquelles naturellement pèsent sur la croissance.
Cette politique conduit inévitablement à de nouvelles fermetures d’entreprises et à des licenciements.
Déjà les annonces tombent, comme à Gravelotte. Monsieur Montebourg, le bien mal nommé "ministre du redressement productif", après quelques tartarinades, se déclare carrément ... impuissant. "L'Etat ne peut pas tout", déclarait Lionel Jospin. "Je n'en peux mais", devrait dire notre velléitaire ministre.
Dans ce contexte, notre Comité Confédéral National, réuni les 27 et 28 septembre à Rodez, a condamné fermement cette orientation et réaffirmé nos revendications.
L’heure n’est certainement pas à la résignation. Au moment où les travailleurs du Portugal viennent de remporter une première victoire, «le CCN salue le combat des travailleurs grecs, espagnols, portugais, italiens… qui luttent et résistent contre la dictature de la Troïka et les mesures d’austérité qui conduisent les peuples à la ruine et à la misère.»
Le CCN affirme que les travailleurs en France vont être confrontés très rapidement à la nécessité de s’organiser et résister pour combattre ces mêmes mesures d’austérité.
C’est pourquoi le CCN mandate la commission exécutive et le bureau confédéral pour les semaines et mois à venir, non seulement pour défendre les positions et revendications de la CGT-Force Ouvrière, mais aussi, dans les meilleurs délais, pour organiser un rassemblement de ses militants et pour mettre en œuvre toute action nécessaire, y compris la grève interprofessionnelle, afin de contrer l’austérité et la remise en cause des droits sociaux des salariés.»
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LES HOMMES EN NOIR