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InFOrmation syndicale
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26 octobre 2012
SNUDI-FO : "ENTRE L'EUROPE DES MARCHÉS ET L'ÉCOLE PUBLIQUE, GRATUITE ET LAÏQUE, NOUS AVONS CHOISI"
Interview de Laurent Bertotti, secrétaire départemental du Snudi FO 44, syndicat des instituteur(trice)s et des professeurs des écoles.
L’OS : Le candidat Hollande avait déclaré vouloir faire de l’éducation une priorité. Où en est-on, deux mois après la rentrée ?
Laurent Bertotti : "Toutes les réformes engagées depuis des années s’inscrivent dans le cadre de la réduction des dépenses publiques, la fameuse RGPP. Depuis 2007, 80 000 postes de fonctionnaires ont disparu dans l’Education nationale.
Pour la rentrée de septembre, 12 850 postes d’enseignants ont été supprimés. dont 4 700 dans le premier degré malgré l’arrivée de 5 300 élèves supplémentaires.
En claironnant la « création » de 1 000 postes ce gouvernement n’a fait que détruire 13 000 postes au lieu des 14 000 prévus !
Les conséquences dans les écoles sont évidemment très lourdes.
Après les déclarations respectives du Premier ministre Ayrault, de Vincent Peillon et le récent discours de François Hollande, les craintes que nous nourrissions se révèlent hélas bien fondées.
Toutes les orientations définies par les gouvernements précédents sont maintenues et, par certains côtés, accentuées."
L’OS : Le ministre vient quand même d’annoncer le recrutement de 40 000 emplois pour l’année prochaine …
Laurent Bertotti : "Le gouvernement a choisi la voie de l’austérité et le carcan budgétaire établi par la Troïka (FMI, UE, BCE). Il faudrait être aveugle ou né autruche pour ne pas voir les effets dévastateurs que ces politiques de rigueur engendrent dans les pays voisins (Grèce, Espagne, Portugal, Italie, Irlande, etc.) principalement sur les dépenses de santé et d’éducation. Penser que la France va échapper aux coupes sombres en suivant cette politique revient à nous refaire le coup du nuage de Tchernobyl !
L’exemple des 40 000 postes est significatif : En fait, ils viennent de se transformer en 43 000 recrutements d'étudiants c'est à dire en seulement 8 281 "Equivalent Temps Plein" dont la moitié seront contractuels :
Nous sommes précisément dans le tour de passe-passe, qui permettra au gouvernement d’annoncer un recrutement massif dans l’enseignement tout en aggravant la précarité des personnels sans dépasser les clous budgétaires.
D’autres menaces planent sur l’école publique. La mascarade de la concertation sur la « Refondation » a accouché d'objectifs identiques à ceux des précédents gouvernements : sous couvert de modifier les rythmes scolaires, ressurgit la volonté de mêler le temps scolaire et le temps périscolaire. La journée d’école serait définie dans un temps global, dans le cadre d’un Contrat Educatif Local, sous l’égide des municipalités.
Concrètement, les conséquences sont doubles : d’une part le transfert progressif des écoles dans le giron des collectivités locales (comme en Allemagne par exemple), ce qui pose le problème majeur de la laïcité de l’enseignement (dans certains Länder, sous pression religieuse, on étudie sur à égalité le darwinisme et le créationnisme) et d’autre part, le transfert des enseignants fonctionnaires d’Etat en agents des mêmes collectivités locales. La menace contre le statut d’enseignant est directe.
M. Peillon a par exemple annoncé, qu’il faudrait « avancer » vers les 180 jours travaillés à l’année soit près d’un mois supplémentaire !
La multiplication des contractuels dans les écoles tend également à banaliser la précarité des personnels. Les futurs "contrats avenir professeurs" seront conclus dans le cadre des CAE (contrats d’accompagnement vers l’emploi), c'est-à-dire des CDD de droit privé, au SMIC horaire, à temps partiel !"
L’OS : Tu dis que les conséquences dans les écoles sont très lourdes. Peux-tu préciser ?
Laurent Bertotti : "Les enseignants ne travaillent plus sereinement. Les principales difficultés qu’ils rencontrent sont de cinq ordres : d’une part, il y a la question des effectifs dans les classes. En maternelle, presque toutes les classes comptent près de 30 élèves, voire au-delà, souvent avec des doubles et même parfois des triples niveaux. C’est physiquement impossible d’être présent auprès de chacun d’eux de façon efficace et nerveusement très fatigant.
C’est vrai aussi pour l’élémentaire. Il y a désormais beaucoup plus de classes avoisinant les 30 élèves que de classes autour de 20. Je peux t’assurer que ça n’a rien à voir comme climat de travail, tant pour les élèves que pour l’enseignant(e) et jusque dans les rapports avec les parents.
Le second aspect, c’est l’augmentation des matières à enseigner. Le temps n’est pas extensible, et c’est la course pour "boucler" son programme d’autant que les classes sont de plus en plus hétérogènes avec des élèves en grande difficulté.
Cela amène le troisième point. Depuis 2005, on inclut dans les classes les élèves relevant de handicap. Ils demandent plus de présence, plus d’attention et nécessiteraient que des enseignants soient formés à la prise en charge de leur handicap. Or, il n’en est rien. Au mieux, ils sont accompagnés quelques heures dans la semaine par des personnels précaires n’ayant reçu, dans le meilleur des cas, qu’un embryon de formation.
Nous demandons depuis des années que les effectifs des classes d'accueil soient allégés et que ces élèves bénéficient d’une prise en charge spécialisée. Tu devines la réponse aisément…
Le quatrième mal dont souffrent les collègues, c’est la multiplication des réunions pour trouver des solutions "en interne". Autant d’heures qui s’ajoutent aux obligations de service et qui ne sont ni comptées ni rémunérées.
Enfin, le dernier point, et non le moindre, c’est ce que j’appellerais le « harcèlement hiérarchique ». Les inspecteurs sont désormais formés au "management", à la culture du résultat, selon les mêmes critères que dans les entreprises privées : contrôles individuels et collectifs, soupçons, justification exigée de chacun de ses actes pédagogiques. Les directrices(teurs) sont en première ligne. Tout est sujet à évaluation, rapports, parfois à la limite du "flicage" des collègues, tableaux de bord, rédaction de projets à valider, tout en répondant aux sollicitations des mairies, évidemment dans des délais intenables, .
Ultime point : le blocage des salaires, le versement des indemnités diverses, le report de l’âge de la retraite. Les enseignants n’échappent pas aux difficultés financières (les études sur la baisse de notre pouvoir d’achat depuis 30 ans sont éloquentes)."
L’OS : Quelle réponse syndicale apportes-tu ?
Laurent Bertotti : "Elle est simple et double, si je peux me permettre. Simple, parce que nos revendications sont définies simplement : de quoi a-t-on besoin pour travailler correctement ?
Double parce qu’il y a deux exigences principales : des cinq points que je viens d’évoquer, le premier, le troisième et le cinquième peuvent être résolus par une seule revendication : la création des postes nécessaires. Pour le premier point et le troisième, cela paraît évident, quant au harcèlement hiérarchique, il n’a d’autre raison d’être que de nous faire accepter une situation inacceptable.
Nous revendiquons 250 postes pour que pas une classe ne dépasse les 25 élèves (pas plus de 20 dans les quartiers sensibles), pour que les remplacements soient assurés et pour que tous les directeurs soient déchargés.
Ces revendications s'opposent à toutes les politiques de rigueur menées par les gouvernements successifs au nom de la construction européenne. Entre l'Europe des marchés et l'école publique, gratuite et laïque, nous avons choisi. C'est notre conception de l'indépendance syndicale. Y en a-t-il une autre ?
L’autre axe revendicatif, concernant les points 2 et 4, c’est le strict respect de notre statut de fonctionnaires d’Etat, salaire, congés, retraite et obligations de service. Nous ne sommes pas taillables et corvéables à merci. Et là aussi nous nous retrouvons face aux politiques de rigueur qui visent à la baisse du coût du travail de tyous les salariés, à commencer par les fonctionnaires. Nous ne sommes pas dans une confédération, et à Force Ouvrière par hasard !"
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L' Ouest-Syndicaliste