Le gouvernement veut instaurer un seuil d’adhésion de 3% en deçà duquel les syndicats n’auront pas le droit de négocier.
C’est dans un climat particulièrement tendu, alors que le procès de plusieurs dizaines de syndicalistes turcs accusés d’actes de terrorisme a commencé le 4 octobre, que la Grande assemblée nationale de Turquie débat d’un projet de loi sur les relations collectives de travail. Sur la sellette: la liberté syndicale et de négociation collective ainsi que le droit de grève. Depuis bientôt un an, les organisations syndicales font campagne contre ce projet dans une unité sans précédent.
Il est question d’instaurer dans chaque secteur un seuil d’adhésion de 3% en deçà duquel les syndicats ne pourront pas négocier, ce qui priverait près de 60% des syndicats actuels de ce droit. Le projet accorde également aux compagnies aériennes la possibilité d’obliger 40% de leurs effectifs à travailler pendant une grève. Il s’agit là d’infractions flagrantes aux conventions internationales sur la liberté syndicale et de négociation collective, ainsi qu’au droit de grève. Cette nouvelle loi viendrait en remplacer deux autres que le mouvement syndical international et l’OIT (Organisation internationale du travail) pointaient déjà du doigt depuis de nombreuses années pour leurs violations des normes fondamentales internationales du travail. Le gouvernement turc rate donc une occasion de se mettre en conformité avec celles-ci, déplorent la CSI (Confédération syndicale internationale) et la Confédération européenne des syndicats (CES).
Le 9 octobre, des milliers de manifestants se sont rassemblés devant le Parlement, malgré la répression policière, à l’appel des confédérations Türk-Is et Disk, pour protester contre le projet de loi.
La tension est d’autant plus vive que la négociation collective se trouve bloquée de facto dans le pays depuis le début de l’année. Selon la législation actuelle, le ministère du Travail doit délivrer un certificat de compétence aux syndicats pour qu’ils puissent commencer à négocier. Mais il n’en a délivré aucun depuis début 2012. Résultat: en août dernier, quelque 350.000 salariés, répartis sur 950 lieux de travail, n’étaient déjà plus couverts par aucune négociation collective. Cela «conduit beaucoup de travailleurs à hésiter avant de se syndiquer, dans la mesure où ils doivent en plus faire face à des mises à pied et des intimidations de toutes sortes», dénonce Industrial Global Union* qui a déposé, l’été dernier, une plainte à l’OIT contre le gouvernement turc pour infraction à la convention 98 sur la liberté de négociation.
SOUTIEN DU MOUVEMENT SYNDICAL INTERNATIONAL
Le mouvement syndical international était également présent à l’ouverture du procès des membres de la Confédération des syndicats des fonctionnaires (KESK), affiliée à la CSI, le 4 octobre, alors que des milliers de personnes manifestaient devant le tribunal. Le 25 juin 2012, 71 adhérents et dirigeants de la KESK de vingt villes turques ont été emprisonnés et les locaux syndicaux perquisitionnés sous couvert d’une opération contre des organisations terroristes. Le cas de neuf femmes était examiné lors de la première audience le 4 octobre. Six militantes ont été relâchées, mais trois sont restées en prison. La prochaine audience est prévue pour la mi-décembre.
* Industrial Global Union, constituée en juin 2012, est la fusion des anciennes fédérations internationales de la Métallurgie, de la Chimie, de l’Énergie, des Mines et du Textile.
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Article paru dans FO Hebdo n°3049