InFOrmation syndicale

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10 décembre 2012

Colloque: LA JUSTICE CONDAMNE LA DICTATURE DU CHIFFRE

La justice doit-elle être rentable?» Autour de ce thème, FO Magistrats a organisé un débat le 29 novembre à la cour d’appel de Paris.
La recherche par l’État d’une rentabilité du fonctionnement de la justice n’a hélas rien de virtuel, ont souligné nombre de spécialistes invités (sociologue, médecins, magistrats, syndicalistes, élus) le 29 novembre à Paris au colloque organisé par FO Magistrats.

Depuis quelques années en effet, plus précisément depuis la réforme budgétaire de 2006 (la LOLF), l’État a créé des outils de mesures statistiques et autres indicateurs de contrôle de performance, lesquels sont censés amener la mission publique justice à davantage d’efficience, tout en permettant une rationalisation de ses dépenses. Sur le terrain, les professionnels se heurtent, eux, chaque jour à la réalité des juridictions, contrastant avec ces grandes visées statistiques. «L’informatisation n’a en rien diminué notre travail», assure Béatrice Penaud, la Secrétaire générale adjointe du syndicat FO Magistrats. En Allemagne, souligne-t-elle, un juge traite trois affaires par jour quand en France il en traite jusqu’à vingt...

Manque de moyens financiers, manque d’effectifs, dysfonctionnements qui perturbent les activités, la vie des tribunaux ressemble à cela et il n’y a peut-être pas de hasard. La logique budgétaire appliquée à la justice est celle de l’offre, elle n’est pas basée sur les besoins, qui évoluent et augmentent, explique Mme Évelyne Serverin, professeur de droit. Pour le sénateur Yves Detraigne, ancien rapporteur du budget justice, il y a eu trop de réformes ces dernières années et leurs effets n’ont pas été évalués. Quant aux indicateurs de performance, beaucoup sont «baroques» et n’ont plus de sens puisqu’ils n’ont pas évolué en dix ans.

RUPTURE DE L’ÉGALITÉ DEVANT LA LOI

Malgré plusieurs années de hausse de son budget, la justice –dont le budget est déclaré prioritaire pour 2013– n’a en tout cas toujours pas assez de moyens, insistent les professionnels. Ici, par manque de personnels, l’État tente de faire signer un compte rendu de jugement par une secrétaire au lieu d’un greffier. Là, c’est un président de tribunal de grande instance qui est contraint de passer un temps précieux à la photocopieuse... «Aujourd’hui, l’exigence de rentabilité est accrue par le manque d’effectifs», explique Béatrice Penaud. Or, «les personnels développent une culpabilité par rapport aux objectifs chiffrés qu’ils ne sont pas sûrs de respecter». Et pour cause. «Les juridictions s’appauvrissent mais le nombre d’affaires à traiter augmente, +2,7% d’affaires pénales», explique un magistrat. La dictature du chiffre liée à la mise en concurrence des juridictions entraîne une course à l’échalote entre les personnels, soumis à des évaluations individualisées, ce qui génère de la souffrance, explique le professeur de psychanalyse Christophe Dejours.

Pour Emmanuel Poinas, le Secrétaire général de FO Magistrats, «il est demandé de faire toujours mieux mais avec toujours moins. Or, malgré le grand dévouement des personnels, cela est impossible». La course effrénée à la rentabilité conduit en fait aujourd’hui à de tels dysfonctionnements que cela marque une «rupture de l’égalité devant la loi pour tous les justiciables». Les délais de traitement des dossiers dans des juridictions engorgées ne cessent en effet de s’allonger. Par la réforme de la carte judiciaire lancée en 2010 et qui a supprimé 178 tribunaux d’instance, 55 tribunaux de commerce, 62 conseils de prud’hommes et deux tribunaux de grande instance, les lieux de justice se sont éloignés aussi des justiciables. La notion de proximité dans le traitement des affaires de mise sous tutelle, par exemple, ou encore de surendettement a été mise à mal... Depuis vingt ans, rappelle Pascal Pavageau, Secrétaire confédéral FO, «l’État n’a mené aucun débat sur la nature des besoins publics, dont ceux en matière de Justice, leur évolution et leur financement». La confédération FO demande toujours que ce débat ait lieu.