Crise économique profonde, chômage à plus de 16%, liberté des citoyens menacée... Deux ans après les premiers signes d’une révolte qui a conduit à la chute du régime dictatorial de Ben Ali, la Tunisie est toujours dans la souffrance.
La révolte avait débuté à la suite de l’immolation, le 17 décembre 2010, d’un jeune vendeur ambulant désespéré par la situation sociale et les répressions policières.
La colère tunisienne, qui fut aussi la première dans l’ordre des soulèvements de peuples de pays arabes (Égypte, Libye, Syrie, Jordanie, Yémen, Bahreïn...) fut même à l’origine de l’expression «printemps arabe».
Deux ans après, la Tunisie, qui n’a toujours pas pu écrire sa nouvelle Constitution, vit encore au rythme de tensions politiques qui font mal à ses espoirs de démocratie. Le pays est doté depuis octobre 2011 d’une Assemblée constituante et d’un gouvernement provisoire, tous deux sont dominés par le mouvement islamiste Ennahda. Lien de cause à effet?
Alors que les salariés tunisiens demandent de meilleures conditions de vie et de salaires, et qu’ils organisent depuis des mois des grèves et des manifestations ponctuelles dans tout le pays à l’appel de l’UGTT (Union générale tunisienne du travail), ces actions sont durement réprimées par la police.
À la fin novembre, cette répression a fait 300 blessés dans la ville de Siliana. Plus largement, depuis plus d’un an l’UGTT doit faire face aux actes de violence d’une «Ligue de protection de la révolution».
Or, dans la mouvance du parti religieux Ennahda, cette nébuleuse structurée en milice n’a pas été jusque-là désavouée par le gouvernement, loin s’en faut.
QUARANTE JOURS D’ENQUÊTE
Ainsi, récemment, le chef du parti Ennahda déclarait publiquement: «Je défends la Ligue car elle est un produit de la révolution et qu’elle est indépendante et non partisane.» Et d’ajouter sans ambages: «Il semblerait que ce soient des milices entraînées de l’UGTT qui ont ciblé des citoyens.»
La réalité est tout autre bien sûr. Le 4 décembre dernier, des membres de la Ligue ont attaqué violemment le siège de l’UGTT à Tunis, ainsi que des manifestants. Le Secrétaire général de l’UGTT, M. Houssine Abassi, résume la philosophie d’Ennahda et de la Ligue, son paravent ou bras armé. «Ils veulent s’attaquer au dernier camp capable de lutter contre leurs desseins.
Ils sont contre la justice sociale, contre le développement, contre le dialogue constructif.» Soulignant la part de responsabilité du gouvernement tunisien dans ces événements, la confédération FO a apporté son soutien à l’UGTT.
En s’attaquant à ce syndicat «les milices s’attaquent au processus de démocratisation et au rôle essentiel tenu par l’UGTT dans la révolution et la marche vers la démocratie», note FO.
Pour la centrale tunisienne, la confrontation avec Ennahda est désormais «ouverte». De fait, si l’UGTT a annulé l’appel à une grève générale pour le 13 décembre, l’organisation a obtenu que le gouvernement reconnaisse officiellement les actes de violence commis contre elle.
L’UGTT a aussi obtenu qu’une commission mixte d’investigation soit mise en place afin d’identifier les responsables de ces violences.
Le gouvernement a ainsi dix jours pour lancer l’enquête et un délai de quarante jours pour présenter des résultats qui permettront de poursuivre en justice les auteurs de ces violences.
Le 12 décembre, des membres de la CES et de la CSI, notamment FO en la personne de la Secrétaire confédérale Andrée Thomas, sont allés à Tunis pour apporter leur soutien à l’UGTT.
Les organisations se sont engagées à «saisir leurs gouvernements respectifs et les institutions européennes et internationales de la situation qui prévaut en Tunisie et de la menace que représente l’existence de ces milices armées, non seulement contre les syndicats mais aussi pour l’avenir de la démocratie dans ce pays».
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Article paru dans FO Hebdo n°3056-3057