Les peuples et les travailleurs d'Europe, de la Grèce au Portugal en passant par l'Espagne, l'Irlande et l'Italie, font hélas chaque jour, la douloureuse expérience des mesures prises par la troïka et déclinées par les gouvernements subsidiaires sans aucun scrupule.
Le parlement portugais a approuvé vendredi dernier un budget rectificatif prévoyant de nouvelles mesures d'austérité pour compenser celles rejetées en avril par la Cour constitutionnelle et permettre ainsi de respecter les objectifs budgétaires fixés par la commission européenne. Avec 30000 suppressions de postes supplémentaires dans la fonction publique, un allongement des horaires de travail des fonctionnaires de 35 à 40 heures et une hausse des contributions sociales, le peuple portugais se retrouve à nouveau saigné à blanc. Quelques semaines avant, le parlement grec décidait le renvoi de 15000 fonctionnaires d'ici à 2014 et la réduction du salaire minimum de 580 à 490 € ! L'économie grecque vacille et le taux de chômage frôle les 30 %.
Jusqu'où iront-ils ? De nombreux économistes reconnaissent aujourd'hui que ces mesures d'austérité conduisent toutes et sans exception à l'asphyxie des nations et jettent les peuples dans la misère. Le Fonds Monétaire International (FMI) dans un communiqué daté du 6 juin, avoue même s’être lourdement trompé sur la conduite de la crise financière grecque! Pourtant «les hommes en noir» exigent toujours plus de sacrifices. Et les gouvernements de la «zone euro» s'exécutent docilement à la grande satisfaction du patronat.
En France, Hollande fait semblant de s'offusquer, pour réaffirmer aussitôt la nécessité de maintenir le cap, de réduire, au nom de la compétitivité, le coût du travail et la dette. Pour y arriver, il convie «les partenaires sociaux» à une conférence sociale les 20 et 21 juin prochain.
Personne n'est dupe, l'objectif de cette conférence n'est pas de discuter des légitimes revendications des salariés, mais de préparer les conditions de mise en place des réformes structurelles réclamées par Bruxelles. La méthode est celle de la «démocratie sociale» et du «dialogue social» revendiquée en commun par la CFDT et le MEDEF dans leur rapport de 165 pages publié le 28 mai.
Le «dialogue social» relève d'une logique particulière. Il inclut toutes formes de négociation, de consultation ou simplement d'échange d'informations entre représentants des gouvernements, des employeurs et des travailleurs sur des «questions d'intérêt commun liées à la politique économique et sociale». Le «dialogue social» vise en fait à associer les organisations syndicales à l'accroissement de la compétitivité, c'est-à-dire à la remise en cause de tous les droits et acquis arrachés par la classe ouvrière et qui sont des obstacles à la baisse du coût du travail. Il implique «la participation effective des partenaires sociaux dans la gouvernance économique». Ce n'est donc pas un hasard, si le Président de la république souhaite réformer la constitution pour y intégrer cette dimension du dialogue social, les organisations syndicales devenant co-législatrices en matière de relation du travail, d'emploi et de formation professionnelle !
Il s'agit là clairement d'une tentative de mettre en place un nouvel ordre corporatiste, fondé sur la négation de la lutte des classes. Les intérêts particuliers, ceux des salariés, devant s'effacer devant l'intérêt général.
Opposés résolument au "dialogue social", synonyme de corporatisme, nous sommes par contre attachés à la négociation et à la pratique contractuelle. Le principe même de la négociation, en ce qu'il reconnaît des intérêts contradictoires, repose sur la reconnaissance de la lutte des classes.
La pratique contractuelle, nous la cultivons depuis de nombreuses années, dans le secteur privé, mais également dans la fonction publique territoriale et en particulier dans la ville du Premier ministre.
Ainsi, l'accord conclu à la ville de Nantes et Nantes Métropole a abouti la semaine dernière, à la création d'un régime indemnitaire permettant des avancées non négligeables pour les agents. Cet accord résulte d'un compromis entre notre organisation et l'employeur après plusieurs mois de détermination à conclure.
Mais malheureusement, dans certains secteurs, et malgré l'action de nos camarades, les employeurs refusent catégoriquement, au nom d'un intérêt supérieur, de prendre en compte les revendications légitimes des salariés.
Nos camarades de la cité sanitaire de Saint-Nazaire sont en but au refus d'ouverture de négociation pour la création de 100 postes de soignants, et ce malgré la mobilisation de 500 agents la semaine dernière.
Dans le cadre de la mise en œuvre des "rythmes scolaires", les quatre-vingts Atsem de la ville de Saint-Nazaire sont victimes pour leur part d'une réorganisation des services, conduisant à une augmentation de 64 heures du temps de travail.
Notons que la CFDT et l'UNSA soutiennent fermement la Mairie dans son plan de mise en place de la réforme Peillon. Cette trahison pose à nouveau la question de l'unité.
Bien sûr, il y a un attachement sentimental d'un certain nombre de travailleurs à l'unité. Les politiciens ne l'ont jamais ignoré et n'ont pas manqué dans l'Histoire de l'utiliser pour dompter le mouvement syndical. L'unité sans principe, sans objectif revendicatif clair, comme en 2010 à l'occasion de la bataille sur les retraites, conduit à chaque fois à la défaite.
C'est la raison pour laquelle, nous avons toujours combattu le concept de «syndicalisme rassemblé», cet inter-syndicalisme permanent qu'essaie de remettre en selle le secrétaire général de la CGT, à contre-courant sans doute des aspirations de nombreux militants de la CGT.
Aujourd'hui et à l'occasion de la «journée européenne» du 19 juin, la CGT se retrouve à nouveau aux côtés des organisations qui avec la CFDT font vœu de soumission aux diktats de la Troïka. Il y aurait beaucoup à dire sur le contenu de cet appel qui entre autres reconnaît comme nécessaire «l'assainissement des finances publiques» !
A «l'unité du nombre», nous préférons «l'unité d'aspiration, mille fois plus puissante». Au «syndicalisme rassemblé», nous opposons l'action commune assise sur la préservation des intérêts particuliers des salariés.
Le communiqué commun des fédérations de fonctionnaires FO, CGT, FSU, Solidaires, CFTC et CGC du 3 juin répond totalement à cet objectif. Les fédérations s'opposent à la réduction des dépenses publiques et exigent «l'ouverture de réelles négociations sur les rémunérations, par une nécessaire revalorisation du point d'indice».
Concernant les retraites, elles rappellent «leur attachement au code des pensions civiles et militaires», revendiquent le maintien du calcul des pensions sur les 6 derniers mois de carrière et refusent tout «nouveau recul» pour les agents. Dans ce cadre, elles proposent d'ores et déjà la perspective de mobilisation et d'action, au plus tard début octobre.
Si nous ne voulons pas perdre tout ce que nos aînés ont obtenu par la lutte de classe, nous devons aujourd'hui préparer les conditions d'une riposte d'ampleur. Le refus de notre confédération d'accepter une nouvelle contre-réforme des retraites et les appels communs à résister, comme celui des fédérations de fonctionnaires, sont un point d'appui pour les affrontements inévitables qui sont devant nous. Restons ce que nous sommes : libres et indépendants !