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12 juin 2018

Pôle Emploi Pays de la Loire: FO, moteur du combat pour la défense des garanties collectives

Contribution de Fabien Milon, Secrétaire OSDD44, Délégué syndical central Pôle Emploi

Anticipant la réforme et le projet de loi «Pour la liberté de choisir son avenir professionnel», la direction générale de Pôle Emploi déploie un large plan de développement des compétences pour les demandeurs d’emploi (DE)… Elle cherche d’ores et déjà un prestataire, officine de formation, en capacité de décliner un module de formation (mais faut-il encore l’appeler ainsi ?) dont l’objectif serait d’« aider les demandeurs d’emploi à identifier et renforcer leurs compétences en savoir être professionnel ».
Dans le même mouvement, la Direction générale a décidé d’appliquer un grand plan «compétence» aux agents de Pôle Emploi, par la mise en oeuvre d’une nouvelle classification, signée le 22 novembre 2017 par la CFDT, la CFE-CGC, la CFTC et le SNAP. Cette dernière s’oppose frontalement aux garanties collectives des salariés et, en particulier, à l’automaticité du déroulement de carrière en vigueur dans les Pays de la Loire. La section FO de Pôle Emploi Pays de la Loire a été la force motrice d’une bagarre revendicative ayant permis des reculs de la Direction. 
       
Que sont les « compétences » ?
Lors de ses journées de Deauville organisées en 1998, le Conseil national du patronat français (mué depuis en MEDEF) a défini la « compétence » comme « une combinaison de savoir-faire, expériences et comportements s’exerçant dans un contexte précis, qui se constate lors de sa mise en œuvre en situation professionnelle à partir de laquelle elle est validable. C’est donc à l’entreprise qu’il appartient de la repérer, de l’évaluer, de la valider et de la faire évoluer ».
Tirons les premiers constats de cette définition :
  • Exit les qualifications ;
  • Le «savoir être», qui constitue une notion éminemment subjective, tend à prendre une place démesurée ;
  • L’expérience professionnelle est reléguée en arrière-plan ;
  • La main sur le repérage, l’évaluation et la... validation (en terme de salaire donc !) sont à la seule main de l’entreprise.

Pour le patronat, la « compétence » doit supplanter toutes les notions issues des systèmes de classification édifiés depuis 1945-47 (arrêtés Parodi-Croizat) et 1950 (loi sur les conventions collectives). à terme, il en serait fini de la branche : tout pouvoir serait donné à l’employeur, entreprise par entreprise, et dans le cadre d’une individualisation des rapports sociaux qui, sur cette base, pourrait aisément être poussée à l’extrême. Impossible de maintenir toute garantie opposable pour les salariés.                     

Le « tout compétence » au sein de Pôle Emploi : une nouvelle classification
Le déploiement par la Direction générale de Pôle Emploi d’un grand plan « compétence » à destination des demandeurs d’emploi a son pendant auprès des agents de Pôle Emploi eux-mêmes.
La nouvelle classification de Pôle Emploi, signée le 22 novembre 2017 par  la CFDT, la CFE-CGC, la CFTC et le SNAP, multiplie ainsi les dispositifs d’entretiens individuels et autres outils d’évaluation des salariés… sans jamais aborder les critères sur lesquels ces derniers sont justement évalués. L’employeur, par l’intermédiaire de la hiérarchie de l’agent à tous les niveaux, garde la main.
C’est l’esprit du projet de loi « Pour la liberté de choisir son avenir professionnel » qui, par ailleurs, renvoie la responsabilité de l’évolution de l’employabilité du salarié… sur le salarié lui-même !
Au prétexte de liberté,  le gouvernement veut se débarrasser du Congé individuel de formation (CIF) et rendre monétisable le Compte personnel de formation (CPF)... que les agents de Pôle emploi sont invités à mobiliser pour engager les demandeurs d’emploi dans des stages de développement… des compétences !
La boucle est bouclée.
Pour contrer ces évolutions contre-réformistes, voulues et soutenues par les gouvernements successifs et le MEDEF, qui s’appuient sur la complicité de la CFDT en tête, la section fédérale FO des OSDD a depuis déjà quelques années mis en avant la revendication d’un déroulement de carrière automatique dans tous nos secteurs, remettant ainsi au centre l’expérience acquise.
Cette revendication a pris un relief particulier ces derniers mois dans Pôle emploi, puisque l’accord national du 22 novembre 2017 relatif à la classification des emplois et à la révision de certains articles de la convention collective nationale de Pôle emploi affirme la chose suivante :
« Le nouveau dispositif conventionnel de classification se substitue de plein droit à tous usages, pratiques, textes et dispositions conventionnelles, que ce soit au niveau national ou au niveau des établissements, ayant le même objet ou portant sur les mêmes thèmes. Ainsi tous les usages, pratiques, textes et dispositions conventionnelles, notamment en ce qu’ils fixent des parcours d’évolution ou font référence à la progression des emplois et/ou des coefficients et/ou des niveaux de qualification, en rapport avec la classification antérieure (...), cessent nécessairement de s’appliquer à la date d’effet du positionnement des agents précitée ci-dessus.
En vue de tenir compte de la situation particulière des agents qui ont débuté un déroulement de carrière spécifiquement prévu par des dispositions conventionnelles d’établissements en rapport avec la classification en vigueur, les parties conviennent qu’une négociation est engagée. »
Non seulement ce texte n’accède à aucune de nos revendications, mais il veut nous faire renoncer à soixante années de pratique contractuelle.
En refusant de signer cet accord, FO a refusé d’avaliser les reculs là où, justement, le combat syndical a permis l’édification de déroulements de carrière fondés sur la reconnaissance de l’expérience acquise.

Le combat de FO pour la préservation de l’accord de déroulement de carrière des Pays de la Loire
L’accord du 22 novembre 2017 sur la nouvelle classification vise plus particulièrement à rendre caduc l’accord de juillet 2002 en vigueur au sein de Pôle Emploi Pays de la Loire, signé par FO et qui garantit l’automaticité d’une progression salariale en douze ans. Ainsi, conformément aux stipulations du texte de novembre 2017, la direction régionale de Pôle Emploi a ouvert une négociation le 23 février dernier, qui s’est soldée par un projet d’accord ouvert à signature jusqu’au 27 avril.
La section FO de Pôle Emploi Pays de la Loire a été le moteur de la bagarre revendicative mise en oeuvre pour la défense de l’accord régional de 2002. Dès le mois de novembre, la section FO était présente sur la quasi-totalité des sites pour expliquer les enjeux de cette négociation et ouvrir la perspective d’une mobilisation, y compris par la grève. L’activité des militants FO a ainsi contraint les organisations syndicales SNU-FSU et CGT à rejoindre la section dans l’action commune pour le maintien du déroulement de carrière automatique. Les appels à la grève et aux débrayages des 9 et 11 avril dernier, jours de négociation, ont permis d’établir un premier rapport de force indispensable à la sauvegarde de nos acquis. Sans conteste, la mobilisation de près de 50 % des agents lors de ces deux débrayages a fait bouger les lignes. La Direction s’est vue obliger de reculer sur certaines dispositions du texte initialement proposé :
  • Alors que le principe même d’automaticité était remis en cause, ce dernier est finalement réaffirmé ;
  • Alors que le projet initial créait des groupes fermés dans un groupe fermé en vue de réduire drastiquement le nombre potentiel de bénéficiaires de l’automaticité, tous les agents embauchés avant le 1er juillet 2018 en bénéficieront de manière explicite ;
  • Alors que la direction souhaitait imposer une durée de l’accord limitée à six mois, celle-ci est portée à cinq ans et demi.

Indéniablement, ces reculs de la direction sont à mettre au compte de la grève et de la détermination des militants FO. Pour autant, le compte n’y est pas : le contenu de ce nouveau projet constitue une régression au regard de l’accord de 2002, arraché par la grève, comme le rappelle dans un communiqué la section FO Pôle Emploi Pays de la Loire. Devant le chantage catastrophiste de la direction, clamant « c’est ça ou rien », non seulement la CFDT a signé, mais également le SNU-FSU et la CGT. Ces derniers ont pris la responsabilité de briser l’action commune sur des bases revendicatives claires. Quoi qu’il en soit, Force Ouvrière continue le combat, notamment contre les groupes fermés, à l’instar de nos camarades cheminots. Cet accord, dans le contexte des Pays de la Loire, n’était pas signable. Pour autant, la concession accordée par la direction régionale sur le maintien d’une automaticité du déroulement de carrière constitue un encouragement pour que les adhérents FO fassent valoir cette revendication dans les autres régions. C’est un point d’appui pour contrer la classification à la tête du client, ainsi que pour déployer toutes les forces de notre organisation syndicale contre la suppression de milliers de postes annoncée par le gouvernement, pour l’augmentation des salaires.

La convergence ou l’illusion des luttes ?
Le mois d’avril a été celui de la négociation et des mobilisations à Pôle Emploi Pays de La Loire. Une nouvelle classification nationale prétendait faire tomber et nous obliger à renégocier notre accord de déroulement de carrière.
La négociation seule ne donnant rien, deux journées réussies de mobilisation à l’appel de FO, CGT et SNU ont permis de sauver un tronc de l’accord de 2002. Cependant, à la dernière séance de relecture du 13 avril, la direction maintenait toujours un groupe fermé et limité dans le temps, qui réduisait le périmètre des collègues pouvant bénéficier de l’automaticité du déroulement de carrière.
Pour la CGT-FO qui avait organisé le rapport de force, l’heure n’était pas à la signature ni à la capitulation. Nous avons cherché à respecter le mandat de notre AG en proposant à la CGT et au SNU de maintenir l’action commune. Fin de non-recevoir le 16 avril au matin dans l’intersyndicale convoquée par FO !
Estimant ne pas pouvoir obtenir mieux, CGT et SNU allaient consulter leurs adhérents pour faire avaliser ou non leur signature. Nous leur avons fait remarquer que, ce faisant, ils soumettaient leurs syndiqués  au chantage catastrophiste de la direction « c’est ça ou rien »...
Deux heures plus tard, un tract commun CGT-SNU appelait publiquement à la convergence des luttes le 19 avril... tract qui ne faisait référence ni à notre accord, ni à la lutte revendicative qui pouvait se poursuivre. Il ne nous pas été proposé de « converger », ni de poursuivre l’action commune sur des bases claires. Il s’avère que la CGT et le SNU signeront cet accord dans les jours qui suivront. Converger ? Pourquoi pas… mais menons déjà nos luttes jusqu’au bout !

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