Trois mois après sa sortie sur les aides sociales qui coûtent un « pognon de dingue », Emmanuel Macron a présenté son « plan pauvreté » le 13 septembre dernier.
Lancé en grande pompe à l’occasion d’un discours au Musée de l’Homme, ce plan avait sans doute pour ambition de faire oublier la politique de destruction des acquis sociaux de l’actuel gouvernement... Regardons tout cela de plus près.
Alors que trois quarts des Français considèrent que la politique du gouvernement est injuste (sondage BVA, juin 2018), ce « plan pauvreté » visait à démontrer que le président de la République se préoccupe aussi des plus démunis. D’ailleurs, à l’occasion de la conférence de présentation, on pouvait apercevoir derrière le pupitre d’Emmanuel Macron le message suivant : « faire plus pour ceux qui ont moins ».
Plan anti-pauvreté ou poudre de perlimpinpin ?
Prenons-le au mot et regardons les moyens qui sont alloués à ce plan : 8 milliards d’euros sur 4 ans ! À titre de comparaison, la transformation du CICE en allégements de cotisations atteindra 40 milliards d’euros en 2019, tandis que les entreprises viennent de bénéficier de 150 milliards d’euros d’aides publiques en un an.
La suppression de l’ISF, qui profite aux seuls 300 000 « premiers de cordée », aura un coût de 4 milliards d’euros pour les finances de l’Etat. On voit effectivement qui le gouvernement entend privilégier avec sa politique...
Quid des acteurs qui devront mettre ce « plan pauvreté » en musique ? Emmanuel Macron annonce ainsi vouloir créer un « service public de l’insertion » dont les départements auraient la charge, ainsi que des crèches dans les quartiers prioritaires et des repas à 1 euro dans les cantines… Comment prendre au sérieux de telles déclarations, alors que l’actuelle majorité remet en cause l’existence même des départements ? Se pose également la question des moyens financiers et humains d’une telle politique dans un contexte de baisses drastiques des dépenses publiques et alors qu’un rapport de l’ODAS de 2016 a souligné les grandes difficultés budgétaires que rencontrent les conseils départementaux en raison de l’explosion des dépenses sociales.
Dans un communiqué de presse du 14 septembre dernier, l’Association des Maires de France (AMF) « relève la contradiction du gouvernement : solliciter la mobilisation des collectivités va légitimement peser sur leurs dépenses de fonctionnement au moment où la contractualisation financière qu’il a imposée vient entraver leurs moyens d’intervention, en particulier en matière sociale ».
Le RUA : vers la fin de l'inconditionnalité des minima sociauxL’annonce la plus marquante est sans doute celle qui concerne la création d’un « Revenu universel d’activité ». Le projet d’une allocation sociale unique avait déjà été évoqué par Macron lors de la campagne des élections présidentielles de 2017. Ainsi, le « Revenu universel d’activité », mis en place en 2020, fusionnerait un ensemble d’aides (RSA, prime d’activité, allocation handicap... ?).
Derrière le discours sur le « maquis des aides sociales » qui compliquerait l’accès aux droits pour les plus démunis se cache encore et toujours une froide logique d’économies. En effet, un tel système aurait l’avantage pour le gouvernement, à la fois de diminuer les frais de fonctionnement (mise en place d’un guichet unique), mais surtout, il pourrait avoir pour conséquence une baisse du volume global des aides. C’est ce que dévoile un rapport de France Stratégie commandé récemment par Matignon et qui explique que la fusion de plusieurs prestations pourrait, « à budget constant », entraîner une perte de ressources pour 3,55 millions de ménages.
Mais le RUA introduit également une « innovation » de taille. Reprenant l’idée qu’il faut « responsabiliser » les plus pauvres en leur imposant des « devoirs », Emmanuel Macron annonce que les bénéficiaires du RUA devront s’inscrire dans un parcours d’insertion empêchant de refuser plus de deux « offres raisonnables d’emploi ». Ce serait donc la fin de l’inconditionnalité des minimas sociaux.
Jusqu’où une telle logique peut-elle conduire ? Emmanuel Macron entend-il pousser davantage le niveau de violence en s’inspirant du « modèle allemand », qui voit des chômeurs de longue durée obligés d’accepter des « jobs à un euro », afin de pouvoir continuer à percevoir leurs aides ?
Les revendications contre le « plan charité » de Macron sont liées à la défense de la Sécurité sociale de 1945Les mesures préconisées par Emmanuel Macron n’ont absolument rien de nouveau: le revenu minimum d’insertion (RMI) de Rocard en 1988, puis le Revenu de solidarité active (RSA) sous Sarkozy en 2008, fonctionnaient déjà selon un principe de « droits » et de « devoirs » pour les bénéficiaires.
Loin de combattre la pauvreté, de tels dispositifs n’ont en réalité fait qu’accompagner son explosion générée par la politique de casse des acquis sociaux et de démantèlement industriel, menée par les majorités successives (là où il y avait 400 000 bénéficiaires du RMI à la fin des années 1980, ils sont 1,3 million aujourd’hui à percevoir le RSA).
Alors que la Sécurité sociale est une construction de la classe ouvrière visant à garantir des droits universels adossés à des cotisations (le salaire différé), l’objectif du patronat et du gouvernement est de remplacer ce système par un ensemble d’aides individualisées, ciblées pour « les plus pauvres » et financées par l’impôt. Autrement dit, la charité étatisée.
Il n’est d’ailleurs pas anodin qu’au moment même où il annonce son « plan pauvreté », le gouvernement continue d’amplifier la reprise en main du budget de la Sécurité sociale avec le basculement progressif de son financement, des cotisations sociales vers la CSG.
Une même logique d’étatisation se met en oeuvre au niveau de l’assurance-chômage : après la suppression des cotisations salariales et le gel des cotisations patronales, le Premier ministre a adressé le 25 septembre dernier une «lettre de cadrage» aux organisations syndicales et patronales, les invitant à renégocier la convention d’assurance-chômage en quatre points principaux (dégressivité, réduction des droits au cumul, réduction du taux d’indemnisation, fin des droits rechargeables), selon un objectif préétabli de 3 milliards d’euros d’économie budgétaire...
L’individualisation des prestations est synonyme de remise en cause de l’ensemble des garanties et droits collectifs des salariés et de leurs familles. C’est la raison pour laquelle Force Ouvrière condamne fermement tout « revenu universel d’activité » et toute décentralisation « à la carte » des prestations sociales qui, de surcroît dans un contexte d’austérité budgétaire, entraînerait la dislocation de l’égalité républicaine.
FO revendique par ailleurs l’arrêt des coupes budgétaires dans les établissements, qui se traduisent notamment par une dégradation sans précédent des conditions de travail des personnels.
Face à une situation sociale chaque jour plus dégradée, Force Ouvrière réaffirme la nécessité d’embaucher des personnels qualifiés à hauteur des besoins et revendique une augmentation générale des salaires.
Plus que jamais, ces revendications sont liées à la défense des systèmes assurantiels de Sécurité sociale et d’Assurance-chômage, fondés sur le salaire différé.