InFOrmation syndicale

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15 février 2019

Le syndicat, un « corps intermédiaire » ? Jamais !

Dépassé par l’explosion de colère qui a pris la forme des «gilets jaunes»  et dont il porte lui-même la responsabilité première, Emmanuel Macron a lancé le 5 décembre dernier un appel à l’union sacrée. Il a en effet demandé «aux forces politiques et syndicales, au patronat de lancer un appel clair et explicite au calme». Dans la foulée, les heureux promoteurs des « corps intermédiaires » ont retrouvé les grâces médiatiques. Macron lui-même aurait confessé avoir trop négligé ces « corps intermédiaires ».
De quoi parlons-nous ? La notion de « corps intermédiaire » est non seulement étrangère au mouvement syndical, mais elle en constitue un ennemi mortel.

Le lundi 10 décembre au matin, la presse quotidienne rapportait que les « corps intermédiaires » étaient reçus à l’élysée. Parmi les invités, Le Figaro dénombrait « les présidents des deux chambres parlementaires - Richard Ferrand (Assemblée nationale) et Gérard Larcher (Sénat) -, le patron du Conseil économique, social et environnemental, Patrick Bernasconi ; les représentants des associations d’élus et les organisations syndicales et patronales ». Ainsi, selon la presse, notre confédération syndicale est ici ravalée au rang de « corps intermédiaire »... Attention danger !


« Corps intermédiaire » : De quoi parle-t-on ?
La notion de «corps intermédiaire»  est partie intégrante de la doctrine sociale de l’église. Elle ne peut se comprendre séparément des principes de « totalité » et de « subsidiarité » , liés à la notion de «bien commun».
Le syndicat n’a d’autre objectif que de défendre, sur son propre plan, c’est-à-dire de manière indépendante, les intérêts particuliers et collectifs des salariés. L’assimiler à un «corps intermédiaire» revient à l’intégrer dans un tout organique dont l’intérêt « supérieur » primerait sur les intérêts des parties « inférieures ».
En application du principe de subsidiarité, la « partie » est entièrement soumise au « tout », hors duquel elle n’a pas de raison d’être. C’est la définition d’une société corporatiste.
Pour le syndicalisme ouvrier, cela signifie subordonner ou abandonner la défense des revendications des salariés à la préservation d’un  prétendu « bien commun »... que celui-ci soit ordonné par Dieu, le Marché, l’état ou encore l’Entreprise, définie dès lors comme une « communauté de destins ». L’écologisme est à cet égard l’un des plus grands pourvoyeurs actuels de pression corporatiste sur les syndicats (voir l’encadré ci-contre de Jacques Moisan).
Dans ses Propos sur le principe de subsidiarité, le fait religieux et la laïcité, publiés en 2015 par l’Union départementale, le camarade Jean-Pierre Perché écrivait :
« L’ordre organique est le contraire de la liberté d’organisation : l’adhésion au syndicat organique est obligatoire et le syndicat est intégré à l’état, par opposition à l’indépendance du syndicat, lui-même constitué d’individus qui se regroupent librement, pour défendre en commun les intérêts qu’ils ont en commun, et qui ne sont pas nécessairement ceux du «tout» de la société organique globale».
On comprendra dès lors que, dans un tel cadre, le syndicat perd sa qualité de syndicat, au sens de la Charte d’Amiens de 1906, pour devenir un simple rouage institutionnel : de quoi le corps serait-il l’intermédiaire sinon des décisions prises par le «haut» ?
C’est la raison pour laquelle la résolution de la Commission exécutive confédéral, réunie le 13 décembre dernier, est d’une importance capitale, notamment lorsqu’elle réaffirme « que l’indépendance syndicale, vis-à-vis de l’Etat, toute structure ou influence extérieure, est le gage de la défense des droits des salariés, et est étrangère à toute notion de pacte social ».

Le spectre des « Gilets jaunes » hante l’élysée
Comme l’a démontré son discours  télévisé du 10 décembre au soir, Emmanuel Macron n’a pas infléchi sa politique : pas d’augmentation du SMIC,  pas de revalorisation des pensions, rien sur le traitement des fonctionnaires, pas de rétablissement de l’ISF, pas de recul sur le CICE transformé en baisse pérenne de « charges », transfert des cotisations sociales vers la CSG, donc vers l’impôt, maintien de la contre-réforme des retraites, etc.
Pour autant, Jupiter est tombé du pinacle et son impopularité - ainsi que celle de l’intégralité du gouvernement - bat de nouveaux records. Dans ces conditions, l’élysée cherche à partager avec d’autres la responsabilité d’une politique qu’il n’a absolument pas les moyens d’endosser seul. C’est la raison d’être de cet appel aux « corps intermédiaires », qui est un véritable appel au secours dont il aurait somme toute aimé pouvoir se passer. Après avoir refusé à plusieurs reprises  de saisir la main bien tendue et bien visible de Laurent Berger (CFDT), Emmanuel Macron est bel et bien contraint d’afficher sa volonté de renouer le dialogue avec les « partenaires sociaux ».
Le problème est double cependant. Le mouvement des « gilets jaunes » a rappelé de manière frontale à Macron et à son commando de personnalistes chrétiens l’existence bien réelle de classes sociales aux intérêts contradictoires, qui peuvent se heurter violemment. Dans le même temps, le gouvernement a bien conscience de la nécessité de mettre au pas le syndicalisme revendicatif, qui ne se laissera pas réduire au sous-rang de «corps intermédiaire», s’il veut mener à bien la casse de cent années de conquêtes sociales et démocratiques - ce fameux « changement de société ».

La campagne de diffamation contre FO vise l’indépendance syndicale
C’est en relation avec cette situation que l’on peut comprendre la campagne de diffamation menée contre notre confédération sur la question des finances, à quelques encablures des élections professionnelles dans les trois versants de la fonction publique.
Comme l’a encore rappelé très clairement la Commission exécutive confédérale, la cgt-FO est la seule force syndicale qui, dans ce pays, porte de manière claire la revendication du maintien des 42 régimes existants de retraite et le refus de tout système universel par points.
L’avertissement est sérieux pour tous ceux qui portent les revendications de manière indépendante, mais les résultats électoraux ont démontré que la tentative a échoué : FO conserve sa première place dans la Fonction publique d’état et progresse dans la fonction publique hospitalière.
Sale temps pour le gouvernement, décidément !

Engager la mobilisation à tous les niveaux
Le casse-tête est insoluble pour le gouvernement. Son incapacité à répondre à la colère des travailleurs autrement que par la répression se confronte par ailleurs à l’épuisement physique et moral des forces de l’ordre... dont les revendications en termes de moyens, de salaires, de paiement des heures supplémentaires et de postes, portées efficacement par le SGP-Unité police FO - qui redevient la première organisation syndicale de ce secteur -, se heurtent à une même politique austéritaire.
Par l’intensité de leur mobilisation et leur détermination, les « gilets jaunes » ont obtenu l’annulation pour 2019 de la hausse de la taxe intérieure sur la consommation des produits énergétiques (TICPE), responsable des prix exorbitants des carburants et du gaz.
Sans nul doute, des enseignements peuvent être tirés de ce rapport de force et l’heure n’est pas à la timidité.
Dans ce contexte, la Commission exécutive confédérale « apporte son soutien aux syndicats engagés dans des négociations, actions et grèves sur leurs revendications, et appelle les syndicats FO à agir dans les entreprises et au niveau des branches pour l’obtention d’augmentations générales de salaires. FO réaffirme la nécessité d’engager la mobilisation à tous les niveaux permettant de créer le rapport de force interprofessionnel y compris par la grève, et invite les syndicats à organiser les assemblées générales en ce sens. ».