Dossier rédigé par Anne-Cécile Trégret,Déléguée syndicale FO Pôle Emploi Pays de la Loire
Inscrit dans la loi « pour la liberté de choisir son avenir professionnel », le décret n° 2018-1335 relatif aux droits et aux obligations des demandeurs d’emploi et au transfert du suivi de la recherche d’emploi est paru le 28 décembre 2018. Dans ses vœux aux Français, Emmanuel Macron a prévenu : « Le gouvernement dans les prochains mois devra poursuivre ce travail pour changer en profondeur les règles de l’indemnisation du chômage afin d’inciter davantage à reprendre le travail ".
C'est chose faite : ce nouveau dispositif durcit considérablement les sanctions envers les demandeurs d’emploi et livre aux seules mains de Pôle Emploi toutes prérogatives pour les déclencher. Ainsi, depuis le 1er janvier 2019, le préfet qui était jusqu'alors compétent à appliquer les sanctions, est, purement et simplement, dessaisi de son pouvoir.
Une véritable chasse aux chômeurs !Le nombre d'agents en charge exclusive du contrôle de la recherche d'emploi a déjà triplé en 2018. Mais ce n'est que le début. à l'heure où la nouvelle négociation sur l’assurance chômage est sur le feu, la loi a prévu de renforcer ce nombre en le portant de 200, actuellement, à 1000 agents d'ici 2020. Aucune embauche n'est pour autant réalisée! Il s'agit, pour la majeure partie, d'un basculement d'anciens agents indemnisation dont la direction de Pôle Emploi prétend ne plus avoir besoin, l'essentiel du calcul des droits étant aujourd'hui automatisé. Pour ce faire, la CFDT a, par ailleurs, donné le coup de mains indispensable aux directions en signant un accord GPEC scélérat, qui acte la mort du métier indemnisation.
Et pour bien «redonner aux Français le goût de l'effort», le gouvernement dote Pôle Emploi d'une artillerie lourde. Dorénavant, pour «aider» ceux qui ne veulent pas «traverser la rue pour trouver du travail», Pôle Emploi, transformé en bras armé du gouvernement, sévira à grands coups de radiations, suspensions, réductions de la durée du droit, voire suppression totale de celui-ci. Ainsi, ne pas se rendre à un rendez-vous avec son conseiller Pôle emploi est sanctionné dès le premier manquement et peut coûter très cher, selon le nombre de récidives: jusqu'à 4 mois de suspension avec amputation sur le droit.
Dans le cadre de l’application d’une sanction, les allocations ne sont donc plus «seulement» suspendues (et donc gelées). Elles sont supprimées et la durée globale du droit s’en trouve raccourcie. Il faut ici alerter sur le fait que, parmi les conséquences concrètes du remplacement de la cotisation assurance chômage (part salariale) par la CSG (impôt) au 1er octobre 2018, le gouvernement a désormais les coudées plus franches pour suspendre et réduire le revenu de remplacement. En effet, l’impôt n’ouvre pas de droit, contrairement à la cotisation.
Les conseillers Pôle Emploi mis en dangerLe désengagement de l’état place Pôle Emploi dans la position de juge et partie. Position inconfortable que devront assumer au quotidien les conseillers auxquels le gouvernement fait porter, en première ligne, la responsabilité frontale de l'application des sanctions envers les demandeurs d’emploi. L’exposition au danger est aggravée par la levée de l’anonymat des agents que les Directions mettent en oeuvre au prétexte de « personnaliser la relation » ! Cette mise sous tutelle du demandeur d’emploi va contraindre les conseillers de Pôle Emploi à fliquer et à cogner sur le demandeur d'emploi. Force Ouvrière a dénoncé au Comité d'Entreprise du 20 décembre dernier une mise en danger du personnel et a voté la tenue d'un Comité d'Hygiène, de Sécurité et des Conditions de travail (CHSCT) exceptionnel sur ce sujet. D'ores et déjà, le syndicat a saisi l'inspection du Travail.
Dans un contexte social extrêmement tendu, alors que les violences à l'accueil ne cessent de se multiplier, que les conseillers vont devoir gérer le prélèvement à la source sur les allocations, que la suppression de 800 postes est programmée pour 2019, la section Force Ouvrière porte haut et fort la revendication d'augmentation générale des salaires et l'augmentation des effectifs.
Offre raisonnable d’emploi : Une offre pas forcément acceptableAu placard le cadre légal contraignant qui régissait jusqu'alors l'Offre Raisonnable d'Emploi sur la notion du salaire ! Place à l' "employabilité" ! Désormais, le demandeur d'emploi est tenu d'accepter tout emploi dont la rémunération est au moins égale au salaire moyen de sa branche et de sa région, sans aucune référence, comme jusqu'à présent, à son ancien salaire perdu. De plus, aucun critère ne définit désormais la notion de «raisonnable». Les critères objectifs et matériels qui permettent au demandeur d’emploi d’apprécier si une offre d’emploi est véritablement acceptable doivent être négociés, de gré à gré, avec le conseiller. Une seule consigne est donnée : la gestion par les compétences doit rester le fil conducteur du Plan de Projet d'Aide au Reclassement, laissant ainsi toute la place à la malléabilité. Ici encore, le poids de la responsabilité est supporté par l'agent, auquel il appartiendra de sceller avec le demandeur d'emploi cette contractualisation, qui conditionnera le maintien du versement de son revenu de remplacement. En effet, si d'aventure le demandeur d'emploi refuse une ORE à deux reprises, il se voit supprimer son allocation.
Infléchir la courbe du chômage grâce au placement coercitifEn adoptant ce panel de mesures d'une violence inouïe contre les travailleurs privés d'emploi, l'objectif du gouvernement est clair : faire baisser les chiffres du chômage en contraignant les demandeurs d'emploi à accepter n'importe quelle proposition d'emploi ou même d'activité précaire, selon ce que lui offrira le marché du travail. Pour le gouvernement, à l'instar de la gestion de l'emploi allemande ou anglaise, mieux vaut un travailleur pauvre qu'un demandeur d'emploi inscrit sur les listes. Et le gouvernement sait ce qu'il fait : par le choix de cette politique coercitive envers les demandeurs, il participe à abaisser toujours et davantage le coût du travail et continue ainsi de servir les avantages du capital financier.