L'URGENCE, C'EST NOTRE SANTÉ ! LES ACTIVITÉS NON ESSENTIELLES DOIVENT ÊTRE ARRÊTÉES.
Interview de Franck Mariot, Délégué syndical FO Saunier Duval ECCI, Secrétaire du syndicat des Métaux de Nantes et région.
Que penses-tu de l’appel à la reprise du travail effectué par le gouvernement et le patronat ?
J’ai envoyé un mail à tous les militants du syndicat FO des métaux de Nantes dont j’avais les coordonnées, pour dénoncer une décision absurde. D’un côté, on impose un confinement strict, avec interdiction des sorties de plus d’une heure ; de l’autre, on fait bosser les gens, potentiellement jusqu’à 60 heures par semaine, même le dimanche. Tout cela dans des lieux, notamment en production dans la métallurgie, où les travailleurs sont à proximité les uns des autres. Les restrictions dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire et l’exhortation aux salariés d’aller travailler sont antinomiques, surtout dans des entreprises non vitales.
Le gouvernement a-t-il donné plus de précisions sur ces entreprises « vitales » ou « nécessaires à la sécurité de la Nation » ?
à ma connaissance, il n’existe toujours pas de liste officielle. On ne peut donc que s’inquiéter des dérogations inscrites dans l’ordonnance du 25 mars, qui élargissent le champ dérogatoire non plus seulement aux entreprises dites « vitale », mais aussi à celles concernées par « la vie économique et sociale », donc potentiellement à toutes les entreprises. Une définition peu claire, à l’image de tous les non-sens actuels, notamment concernant la sécurité des travailleurs, qu’ils soient du privé ou du public.
Que peux-tu dire rapidement sur cette ordonnance du 25 mars, qui déroge aux congés, RTT, durées maximales de travail, etc. ?
On peut tous comprendre, dans une certaine mesure, la nécessité du confinement – et donc certaines privations de liberté individuelle. Par contre, on ne comprend pas les dérogations au code du travail, effectuées par le gouvernement au plus grand bénéfice du patronat. Sibeth N’Diaye a déclaré que c’était «un effort raisonnable demandés aux salariés». Quel mépris, qui n’est pas sans rappeler sa sortie sur les enseignants qui «ne travaillent pas» ! Les salariés se mettent en danger en se déplaçant sur leurs lieux de travail, sans pouvoir bénéficier de leur temps de loisir et de repos en toute liberté. N’est-ce déjà pas un effort énorme ? Pourquoi dans ce cadre donner le pouvoir au patronat de réquisitionner Congés, RTT et autres Compteur Épargne Temps ? Pour l’instant, à SDECCI, tous les congés posés et validés pendant la période de chômage partiel restent tels quels. La direction n’a pas convoqué les OS à négocier quelqu’accord dérogatoire. Pour la section FO SEDCCI, aucun congé payé ne saurait être imposé sur la période chômage partiel.
Quelle est la réalité sur le terrain ?
Les entreprises communiquent sur les moyens qu’elles mettent en œuvre pour « sécuriser » et sur les bonnes pratiques à adopter. Mais ça ne suffit pas à rassurer, à juste titre, la majorité de nos collègues, en cette période d’accélération de la contagion. Globalement, nombre de salariés en production ressentent une vraie discrimination entre les «cols blancs», qui sont, à quasi 100%, en télétravail (ce qui est totalement normal et justifié), qui ne perdent pas de salaire, et les ouvriers qui, eux, prendraient des risques en reprenant le travail, tout en ayant déjà perdu de l’argent.
Quelle est la position du syndicat FO des Métaux de Nantes et région sur le chômage partiel ?
Nous sommes sur la ligne de la fédération, c’est-à-dire 100 % de rémunération pour tous les salariés touchés par le chômage partiel.
Quelle est la situation dans les différentes entreprises de métallurgie du secteur de Nantes, à commencer par ton entreprise, Saunier Duval ECCI (SDECCI) ?
à SDECCI, suite à un appel intersyndical au droit de retrait le 17 mars, accompagnant un mouvement de révolte des salariés par rapport à leurs inquiétudes, la Direction a appelé l’équipe d’après-midi à rentrer chez elle. Un CSE extraordinaire a acté le fait que les salariés n’ayant pas accès au télétravail sont placés en chômage partiel. Sur demande de la direction, qui met une grosse pression par une communication quotidienne sur ses besoins, certains salariés (25 en production au 26/03/2020) travaillent sur la base du volontariat. Elle avait été bien moins efficace pour nous informer de cas suspects, voire avérés.
Et dans les autres entreprises de la métallurgie du secteur de Nantes ?
Dans plusieurs entreprises, FO a obtenu, par le rapport de force ou par un dialogue constant avec la direction, des mesures de fermeture du site pour la protection des salariés. Dans d’autres cas, le patron a été contraint de fermer faute de fournisseurs ou de clients. On constate aujourd’hui que, pour les entreprises en chômage partiel, des pressions sont exercées sur les salariés et leurs représentants afin de reprendre l’activité au plus vite. Pour les entreprises non encore fermées, les employeurs refusent d’arrêter la production. On constate également un durcissement des conditions d’accès au chômage partiel, des entraves sur la consultation des IRP, une négation du droit de retrait, etc. La bagarre continue.
Article paru dans L'Ouest-Syndicaliste n°708