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14 février 2022

Manitou : 3 % d'augmentation générale des salaires

 Interview de Pierre-Louis Montaudon, Délégué syndical central FO Manitou BF


Vous venez de signer un excellent accord salarial à Manitou dans le cadre de vos négociations annuelles obligatoires (NAO). Peux-tu revenir sur son contenu ?
Le 22 décembre dernier, nous avons signé un accord salarial avec la direction pour l’année 2022. Il a fallu huit séances de négociations, mais le jeu en valait la chandelle. En effet, cet accord fixe une augmentation générale des salaires de 3 % pour les non cadres, répartie comme suit : 1,6% au 1er janvier 2022 et 1,4 % au 1er avril. Les cadres percevront pour leur part une augmentation générale de 2,2 %, ce qui est plutôt rare : 1,6 % au 1er janvier 2022 et 0,6% au 1er avril. Par ailleurs, toutes les primes sont revalorisées à hauteur de 3 %, tandis que les salariés (cadres et non-cadres) bénéficieront également d’une prime exceptionnelle de pouvoir d’achat (PEPA) de 300 €. Nous avons obtenu que les augmentations individuelles (AI) ne soient pas inférieures à 1,5% pour les employés, techniciens et dessinateurs (ETD), ainsi que pour les agents de maîtrise ; les cadres bénéficiant d’un forfait minimal de 80 €. Dans un contexte où chaque salarié de l’entreprise a droit à une augmentation individuelle obligatoire de 1,5% (AIO) lorsqu’il n’a pas perçu d’AI pendant 4,5 ans, il s’agissait pour nous de mettre un coup d’arrêt à la pratique de certains chefs de services qui contournaient l’AIO de 1,5% à travers le saupoudrage d’AI bien inférieures. Car, avec cette pratique, certains collègues touchaient au final sur 4-5 ans moins que les 1,5% garantis par l’AIO !

Comment analyses-tu le résultat de cette négociation ?
Il existe plusieurs niveaux d’analyse. L’obtention de ces 3 % d’AG est bien sûr le fruit du contexte économique. L’an passé, nous avions déjà connu une forte activité. Mais cette année, c’est l’explosion. Le carnet de commandes est plein jusqu’en juillet 2023, pour un montant de 3 milliards d’euros. C’est le double de nos meilleures années. Même s’il existe des incertitudes concernant les approvisionnements de certains composants, du fait des tensions sur le marché mondial, la production tient pour le moment. L’augmentation du coût de la vie est un autre paramètre que la direction a dû prendre en considération. Même si le patron utilise le chiffre officiel d’inflation qui lui est le plus favorable, à savoir le calcul effectué par l’INSEE en moyenne sur l’année (et non en glissement annuel), cette question est dans tous les esprits. Cela étant, il ne fait nul doute que la présence d’une section FO solidement implantée dans l’entreprise a été déterminante dans l’obtention de ces augmentations.

Peux-tu développer cet aspect des choses, concernant le rôle essentiel du syndicat FO ?
L’ancienne équipe de direction a tenté à plusieurs reprises de saper le rôle du syndicat. Elle a cependant échoué et a depuis été remplacée par une nouvelle direction. Cette dernière est bien obligée de reconnaître que nous sommes incontournables. La qualité de la négociation n’en a été que meilleure. Non seulement nous avons obtenu une audience relative de plus de 50 % lors des précédentes élections professionnelles, mais nous sommes attachés à un syndicalisme de terrain permettant de développer l’adhésion FO et de discuter en permanence avec les collègues. Nous avons également un poids historique, appuyé sur notre détermination à faire valoir les revendications des salariés, à défendre leur intérêts matériels et moraux. Lorsqu’une direction ne se hisse pas à la hauteur des enjeux d’une négociation, nous prenons nos responsabilités et organisons le rapport de force. En-dessous de 3 % d’augmentation générale, nous étions prêts à faire monter la pression, y compris par des débrayages. Nous avons joué le même rôle sur les NAO 2021.

Que s’était-il passé lors de ces NAO 2021 ?
Les négociations s’étaient achevées sur un PV de désaccord, puisque la direction était restée bloquée à 1 % d’augmentation générale. La CFDT avait donné son accord dans un premier temps. Nous avons cependant été à l’initiative d’une action intersyndicale, contraignant la CFDT à revenir sur sa position. Nous sommes parvenus en février à 1,6 %, soit 1,4 point au-dessus de l’inflation officielle qui était alors de 0,2 %. Entre parenthèses, cela correspond à l’écart que nous avons une nouvelle fois obtenu cette année et nous ne voulions pas obtenir moins. En tout cas, en février 2021, nous avions alors mesuré le chemin parcouru. Quelques mois auparavant, la direction de l’époque avait en effet tenté de mettre en œuvre un plan social. Nous n’avons pas laissé faire. 

Peux-tu revenir sur la manière dont FO a combattu le PSE ?
En septembre 2020, la précédente direction lançait un plan dit de « sauvegarde de l’emploi » qui, dans les faits, aurait conduit au licenciement de 63 collègues. Nous avons été la pointe avancée de la bagarre qui a permis l’abandon de ce PSE dès la mi-novembre 2020. FO avait en effet convoqué une intersyndicale qui, grâce aux expertises menées, a permis d’élaborer des positions communes conte le PSE. Le courrier intersyndical que nous avions envoyé à la presse a constitué un électrochoc et contraint la direction de l’époque à reculer. Avec un peu plus de recul, cette tentative de plan social est d’autant plus scandaleuse que l’accord que nous venons de signer intègre des embauches au fil de l’eau, permettant d’intégrer des intérimaires en CDI. Il faut tout de même savoir que Manitou abuse de l’intérim : les intérimaires représentent 1/3 des salariés de la production, soit 600 intérimaires sur 1 800 en production (1 200 CDI) sur les six sites.

Quelles ont été les conséquences de la mise en échec du PSE ?
Il y a eu un avant et un après PSE. La direction de l’époque a sans doute fait preuve d’amateurisme, mais ses motivations étaient ailleurs. Elle se sentait sans doute très forte dans la période, avec une baisse de travail et un contexte général très pesant pour le mouvement revendicatif. Sa volonté était de se situer dans la confrontation et de démontrer que, même à Manitou où FO est très implantée et où la tradition de pratique contractuelle est fortement ancrée, elle peut imposer un PSE. Dans le même temps, en mettant en place une stratégie menant à un faible nombre d’accords, elle avait essayé de persuader les salariés qu’il ne servirait à rien de voter FO en 2023. Mais elle s’est pris les pieds dans le tapis et a été remplacée par une nouvelle équipe de direction, avec une autre méthode. Ce n’est ainsi pas anodin que l’accord s’ouvre sur un préambule mettant en avant un « contexte d’écoute réciproque », arguments contre arguments. Cela marque le retour d’une véritable pratique contractuelle. 

Vous avez d’ailleurs signé d’autres accords qui vont dans le bon sens…
Nous avons signé en 2021 l’accord sur l’intéressement. C’est une question délicate, car nous ne sommes pas favorables au principe de lier une partie de la rémunération des salariés à des objectifs. Nous savons par ailleurs que, pour le patron, l’intéressement est un élément important de la rémunération. La prime d’intéressement lui revient en effet moins cher que le salaire du fait des exonérations de cotisations patronales. Cela étant, les montants sont importants et égalitaires entre tous les salariés et ceci rend la discussion incontournable. Nous avons perçu environ 2750 € nets l’an passé. Donc nous avons passé le compromis. Il y a cependant des choses que nous n’acceptons pas. Ainsi, l’intéressement ne se substitue pas aux NAO. Par ailleurs, nous refusons certains objectifs, comme les arrêts maladie. 
Nous avons par ailleurs signé, de manière exceptionnelle, un accord sur le travail le samedi et le dimanche. Il y a beaucoup d’activité du fait des carnets de commandes remplis, mais les capacités de production sont limitées. L’entreprise réalise 80 millions d’investissements, avec notamment la construction d’une nouvelle usine de mécano-soudure à Candé, qui vont perturber la production. La direction a donc besoin d’étendre l’amplitude de travail. Nous avons donc signé un accord temporaire, sur une période exclusive de trois ans. Nous ne l’aurions pas signé sinon. Cet accord prévoit un système de primés majorées qui, en outre, vont bénéficier de l’augmentation des 3% obtenu lors des NAO. Nous avons également obtenu que les horaires ne soient pas incompatibles avec la vie personnelle des salariés concernés, sur la base du volontariat, puisque la soirée du samedi et le dimanche midi sont libérés. 
Enfin, nous avons signé un accord de télétravail, qui prévoit la distribution d’un mobilier de bureau d’une valeur 250 à 300 €, ainsi qu’une vraie souplesse sur les jours de télétravail. Cet accord est cependant suspendu du fait des annonces du premier ministre dans le cadre de l’état d’urgence.



Interview parue dans L'Ouest-Syndicaliste n°725