Métallurgie de Loire-Atlantique
Interview croisée de Sylvain Hérisson - Secrétaire USM FO 44, Membre de la CA de l'UD, Secrétaire du Syndicat FO des Métaux Saint-Nazaire et Région. Pierre Louis Montaudon - DSC Manitou Group, Membre du Bureau de l'UD, Membre de la CA Fédérale des Métaux. Franck Mariot - Secrétaire du syndicat FO des Métaux de Nantes et région, Délégué syndical Saunier Duval ECCI, Membre du Bureau de l'UD.
La situation dans la métallurgie est marquée par la signature de la nouvelle convention collective nationale par les fédérations FO, CFDT et CFE-CGC. Quels éléments pouvez-vous nous apporter ?
Sylvain Hérisson – La nouvelle convention collective se substitue au 1er janvier 2024 aux 76 conventions territoriales existantes, aux accords nationaux et aux conventions collectives des ingénieurs et cadres, ainsi que de la sidérurgie. C’est une volonté de la fédération patronale, l’Union des industries et métiers de la métallurgie (UIMM), au niveau national, de « rénover » toutes ces conventions collectives et de réduire les 7 000 pages existantes à seulement 230. Le but est de dépoussiérer la grille des classifications Métallurgie datant de 1975 et qui permet d’attribuer à chaque métier un coefficient qui détermine au final un salaire minimum. Uniformiser nationalement vers le haut les textes conventionnels qui régissent la branche Métallurgie.
Pierre-Louis Montaudon – Il est à noter que notre fédération a signé après que les négociateurs FO ont obtenu des améliorations par rapport au texte initial. Des inquiétudes demeurent cependant, car il s’agit tout de même de grands bouleversements. En effet, toutes les conventions collectives territoriales qui définissaient les statuts des non cadres vont disparaître. Le problème est directement posé avec la réforme des classifications. Jusqu’à présent, dans toutes ces conventions collectives, territoriales ou nationales, les classifications sont basées sur la reconnaissance des diplômes avec une prise en compte de l’expérience. C’était le salarié qui portait le coefficient. Demain, le coefficient sera porté par le poste de travail. Si celui-ci n’évolue pas, le salaire n’évolue pas. L’employeur va donc payer le salarié sur ce qu’il fait à l’instant T, et non plus sur ses qualifications.
Franck Mariot – On peut considérer qu’il y a deux aspects concernant la convention collective nationale. Dans certains départements, il peut exister des points qui améliorent la situation existante. Dans d’autres, comme le nôtre, des droits risquent d’être rabotés. La logique de cette nouvelle convention collective va à l’encontre du principe de faveur, puisque certains sujets ne peuvent plus être discutés au niveau territorial.
J’ai lu que les fédérations signataires avaient signé un « pacte », conditionnant le maintien de leur signature au bas de la nouvelle convention collective nationale au bilan qu’elles tireront le 15 juin des négociations territoriales. De quoi s’agit-il ?
PLM – Les négociateurs FO ont obtenu que tout accord de révision–extinction d’une convention territoriale devait être relié à un accord autonome dans lequel se négocierait le maintien des garanties existantes, sur les sujets qui ne relèvent pas de la primauté de la convention collective nationale. Mais on voit que cela bloque partout, sur tous les territoires, comme dans le Haut-Rhin et le Bas-Rhin, en Alsace, où l’ensemble des organisations syndicales CGT, FO, CFDT, CFTC, CFE/CGC, UNSA, dénoncent la remise en cause par la chambre patronale des acquis en place.
SH – Le principe qui a été acté lors des négociations nationales, c’est qu’aucun salarié en poste actuellement ne perde un centime à l'entrée en vigueur au 1er Janvier 2024. C’est un grand groupe fermé, qui pose bien sûr d’autres questions, notamment pour les nouveaux entrants, en particulier dans les petites entreprises où il n’y a pas d’accord qui améliore la convention collective. Cela étant, lorsque nous avons rencontré l’UI 44, une première fois pour une séance de concertation et une seconde pour entamer une démarche de négociation, nous nous sommes appuyés sur les négociations des fédérations signataires afin de faire valoir notre point de vue. L’UI 44 nous a indiqué ne pas avoir à ce stade de mandat de sa fédération pour négocier, mais il n’y a pas eu de fin de non-recevoir.
FM – Nous devons être très vigilants, car le patronat a défini fin juin comme date butoir de toute négociation. Et celle-ci sera forcément difficile, car la logique patronale est tout de même d’abaisser le coût du travail. Donc la question du rapport de forces se pose.
Pour quelles raisons ce délai est-il si rapproché ?
PLM – La mise en place de la nouvelle convention collective nationale sera effective au 1er janvier 2024 et la dénonciation des accords existants prend 15 mois. Les patrons veulent éviter que la dénonciation de la convention territoriale s’entrechoque avec la mise en œuvre de la nouvelle convention nationale, a fortiori en cas d’absence d’accord autonome. Ils souhaitent sécuriser juridiquement leur affaire.
Quelles sont les incidences pour les salariés de la métallurgie et nos capacités de négociation en Loire-Atlantique ?
SH – Face aux difficultés de recrutements, l’UIMM indique vouloir rendre la branche plus « attractive ». Certains territoires vont certes connaître de meilleures garanties que celles existantes, mais ce n’est pas du tout le cas en Loire-Atlantique. Notre convention collective territoriale, qui est la première à avoir été créée en France, est parmi les meilleures en termes de garanties pour les salariés. Nous avons donc des revendications à faire valoir dans le cadre de la négociation d’un accord autonome…
PLM – Avec la mise en place de la nouvelle convention collective nationale, l’échelon territorial est dessaisi sur de nombreux sujets. Il ne lui reste finalement plus que la prime d’ancienneté à négocier localement. Cela étant, dans le département, nous tenons à conserver trois points essentiels dans le cadre des négociations d’un accord autonome. Il s’agit du nombre de jours d’ancienneté, ainsi que les majorations des salaires minis et de la prime d’ancienneté. Les minis eux-mêmes seront discutés nationalement.
FM – Ce sont les trois points majeurs de la négociation en cours. Par exemple, concernant les jours d’ancienneté, qui s’ajoutent aux congés payés annuels, nous bénéficions aujourd’hui d’1 jour pour 5 années d’ancienneté, 2 jours pour 10 années, 3 jours pour 15 années et 4 jours pour 20 années à 50 ans et plus. Dans la convention collective nationale, ce n’est pas la même chose : 1 jour à 2 années d’ancienneté, puis 2 jours à l’âge de 45 ans et 3 jours à 55 ans avec 20 ans ancienneté.
SH – Nous avons fait le calcul au niveau de l’USM 44 : pour un salarié ayant commencé à 20 ans et partant à la retraite à 60 ans, il cumule 107 jours d’ancienneté dont il bénéficie actuellement en Loire-Atlantique. Il passerait à 62 jours avec la nouvelle convention. L’écart est important. Nous revendiquons donc le maintien du même volume de jours d’ancienneté. C’est notre colonne vertébrale : les salariés de la métallurgie 44 ne comprendraient pas de perdre des jours d’ancienneté.
Qu’en est-il de la prime d’ancienneté et des majorations ?
SH – Le maintien de la prime d’ancienneté dans le cadre de la nouvelle convention collective nationale était la ligne rouge à laquelle notre fédération avait assujetti sa signature.
PLM – En effet, le fait que la prime d’ancienneté soit maintenue au 1er janvier 2024 est une grosse victoire de la fédération. Il existe une spécificité en Loire-Atlantique, c’est une majoration de cette prime et des minis pour les ouvriers et les agents de maîtrise. L’enjeu est donc pour nous d’obtenir le maintien de ces majorations de la prime d’ancienneté et des minis.
Quelles sont les perspectives en Loire-Atlantique ?
SH – On sent une UI 44 qui veut négocier, ça c’est une bonne nouvelle. L’Union des syndicats de la Métallurgie de Loire-Atlantique a été force de proposition avec un état des lieux depuis un certain temps.
PLM – Nous avons d’ores et déjà présenté notre cahier de revendications aux autres organisations syndicales du département, qui tirent globalement des constats similaires aux nôtres.
FM – Nous cherchons à obtenir un accord autonome qui réajuste ce qui n’apparaît pas dans la CCN. Ce ne sera sans doute pas si aisé, car le patronat cherche à réduire le coût du travail. En même temps celui-ci a des inquiétudes car le risque de conflits dans les entreprises est réel. Dans un contexte de problèmes d’approvisionnement, le patronat n’a pas forcément les moyens de faire face à une montée de colère.
SH – L’enjeu se situe particulièrement dans les petites entreprises du bassin 44, notamment dans la sous-traitance aéronautique, car dans les grandes entreprises les accords sont souvent mieux-disants.
PLM – Le risque de dénonciation des accords d’entreprise existants est cependant une réalité, comme à Manitou, toujours dans le même souci qu’ont les employeurs de sécuriser juridiquement la nouvelle convention collective nationale.
Les sections FO ont obtenu plusieurs avancées salariales conséquentes dans le département. Qu’en est-il aujourd’hui ?
SH – C’est vrai que les délégués FO ont obtenu des augmentations de salaires importantes sur tout le bassin, oscillant en global de 2 % à 3,9 %.
FM – C’est notamment le cas à Aquaprod où les camarades ont obtenu 3 % d’augmentation générale, tout comme à SNG dont la direction a décidé unilatéralement d'ajouter aux 3% obtenus une augmentation mensuelle de plus de 40 euros pour tous les salariés rémunérés jusqu'à 3 fois le SMIC.
PLM – Nous avons également l’exemple de Manitou ou de Toyota où, respectivement, FO a obtenu 3 % et 3,3 % d’augmentation générale des salaires. C’est vrai que les négociations des délégués syndicaux FO ont été bonnes dans les boîtes, mais l’inflation est tellement haute désormais que cela ne suit pas.
SH – Sur une année glissante, de mai 2021 à mai 2022, le SMIC a été augmenté de 5,9 %. Aujourd’hui, les coefficients les plus bas sont à 8 centimes au-dessus du SMIC horaire brut pour certaines entreprises du bassin 44, ce qui est bien sûr insuffisant. Avec des négociations salariales sans clause de revoyure, l'écart se creuse avec une inflation grandissante. Nous allons donc demander une entrevue à l’UI 44, en utilisant cette clause de revoyure, afin de monter les salaires minis au niveau de l’inflation. Et pour discuter de toutes ces questions avec les salariés, le bureau de l’USM FO 44 tient une permanence le troisième lundi de chaque mois dans les locaux de l’Union Départementale de 10 h 00 à 15 h 00.
FM – Le syndicat des Métaux de Nantes et région tient également une permanence à l’Union départementale tous les mardis après-midi.
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Permanences des syndicats : https://www.fo44.org/p/syndicats.html
Interview parue dans L'Ouest-Syndicaliste n°728