InFOrmation syndicale

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02 février 2023

Interview d'Yves VEYRIER, ancien secrétaire général de la CGT-FORCE OUVRIÈRE

 Réalisée par Jacques Moisan - Deuxième partie

YVES VEYRIER : «L’accent mis par FO aujourd’hui sur l’unité d’expression et d’action syndicale la plus large est effectivement la voie à privilégier plutôt que la course aux journées d’action.»

Interview parue dans L’Ouest Syndicaliste N°732

[NDLR : Cette interview a été réalisée fin août. Elle ne prend donc pas en compte les dernières évolutions de l'actualité, en particulier concernant la bagarre sur les retraites.]


La « réforme » des retraites n’est pas abandonnée. 

Certains prônent un calendrier « dans la durée » de journées d’actions ? Ce n’est pas la façon de voir de FO. Que faut-il faire pour obtenir l’abandon des projets gouvernementaux ?

Nous avons une forte expérience en la matière, parfois malheureuse, parfois heureuse. Je l’ai illustré lors du dernier congrès confédéral. La première condition du rapport de force est celle du crédit de la parole que l’on porte. à la fois vis-à-vis de nos interlocuteurs, quels qu’ils soient, et bien sûr des salariés, a fortiori quand vient le moment de les mobiliser. Ce crédit force nos contradicteurs à doivent tenir compte de nos arguments, ou, faute d’y répondre, à se trouver eux-mêmes discrédités. Il favorise alors l’unité d’action la plus large sur des bases revendicatives claires et un mode d’action efficace. Notre connaissance et expertise à la fois de la sécurité sociale, des systèmes de retraites, du paritarisme, fondée sur histoire, a permis d’en faire la démonstration face au projet de système universel de retraite par points dont nous avons démasqué « points par points » si je puis dire, les intentions et conséquences régressives réelles. Notre rassemblement national le 21 septembre, à l’image de celui de janvier 1995 sur la sécurité sociale, ou de juin 2010 déjà sur les retraites, n’avait rien d’une journée d’action en annonçant une succession. Non, il avait pour objet de mobiliser les militants de la confédération en exprimant la hauteur de l’enjeu et donc de la mobilisation que nous pressentions nécessaire : aller à la grève interprofessionnelle, ce qui demandait d’élargir l’unité d’action syndicale. Sa réussite a été déterminante dans la mobilisation de la confédération, lors de son CCN, pour appuyer l’appel à la grève reconductible lancé par les fédérations des transports à la SNCF et à la RATP à compter du 5 décembre 2019. Nous avons convaincu, au-delà de la CGT, la CFE CGC de se joindre à la mobilisation. Et, s’il a fallu plusieurs semaines difficiles de mobilisation pour que l’on vienne à bout de ce projet. Si la pandémie de Covid a contraint le Président Macron à suspendre son projet, il ne faut pas oublier que nous avons réussi à empêcher son retour que voulait le même Président à partir de juin 2021. Il avait déjà mandaté son premier ministre de l’époque pour qu’il relance la concertation en ce sens à partir de septembre !

Et, incontestablement, l’unité d’expression syndicale, à l’initiative de FO en octobre 2020 contre tout retour de la réforme des retraites, a été déterminant.

L’accent mis par FO aujourd’hui sur l’unité d’expression et d’action syndicale la plus large est effectivement la voie à privilégier plutôt que la course aux journées d’actions. 


Et l’assurance chômage ? Frédéric Souillot a rappelé que pour FO, « la priorité était de redonner sa place à la négociation collective » … il a rappelé aussi qu’au 1er novembre ce sont 2,2 millions de personnes qui pourraient se trouver sans la moindre indemnisation …

Sur l’assurance chômage il y a un double sujet.

D’une part il est nécessaire de combattre les faux arguments des pouvoirs publics, du gouvernement, mais ce n’est pas le premier et il n’est pas seul, consistant à stigmatiser les demandeurs d’emplois. A ce sujet, la confédération là aussi connaît bien son sujet, et pour cause. L’assurance chômage nous en étions les initiateurs avec André Bergeron à la fin des années cinquante, et nous avons toujours été à la table des négociations et de sa gestion. Elle a largement rempli son office : y compris en période de crise, car il ne faut pas oublier qu’elle finance pour moitié la chômage partiel (l’activité partielle telle qu’appelé aujourd’hui). Et ce n’est pas l’indemnisation chômage qui dissuade de travailler mais le manque d’emploi et la mauvaise qualité des emplois (faibles salaires, temps partiel imposé, CDD courts et très courts) qui empêchent de trouver un emploi permettant de vivre décemment. Et le droit au rechargement, mis en cause par la précédente réforme est démonstratif puisqu’il avait vocation à inciter les demandeurs d’emplois indemnisés à reprendre un emploi, même de courte durée.

Mais d’autre part, et cela est notamment lié au sujet du rechargement des droits, l’assurance chômage était fondée sur le paritarisme. Pour que cela fonctionne il faut être deux : les syndicats et les employeurs à voulour négocier et gérer sincèrement. Or, il y a de mon point de vue une responsabilité importante des employeurs qui ont refusé de négocier sérieusement pour mettre fin aux abus de contrats courts par les employeurs qui ont vu dans l’assurence chômage, non pas un mécanisme solidaire destiné à subvenir aux besoins des salariés privés d’emplois, mais un instrument de flexibilité externe au frais de l’assurance chômage, qui est financée, là encore ne l’oublions pas, par les salariés par leur salaire différé qui inclut la cotisation patronale et aujourd’hui par la CSG. Le gouvernement a eu ainsi beau jeu de prétexter l’échec de cette négociation pour imposer se première réforme en juin 2019 et de jouer du chantage à l’interruption de l’indemnisation pour aller au pas de charge sur une nouvelle réforme, ou plutôt « contre réforme ».


Concernant la Fonction publique, rien ne change : austérité budgétaire et « transformation » de la fonction publique. 

Que faut-il faire pour sauver nos services publics ?

On entend souvent cette formule : le service public est le patrimoine de ceux qui n’en ont pas. Il a aussi une histoire et il faut lui donner un avenir : c’est le slogan très juste de FO en perspective des prochaines élections professionnelles. La réussite de FO lors de ces élections sera un point d’appui majeur pour faire en sorte que le service public, la Fonction publique – quelle fonction peut être plus noble ? – aient un avenir. FO a toujours – elle a d’ailleurs souvent été ainsi identifiée – défendu une conception républicaine, laïque, et sociale bien sûr, du service public et de la Fonction publique. La confédération dans son ensemble est et doit être aux côtés de tous nos camarades des administrations de la fonction publique, à l’Etat, à l’hospitalière, dans les collectivités territoriales. On parlait des hussards noirs de la République en parlant des professeurs : tous les fonctionnaires agents de la fonction publique sont les hussards noirs de la République.

Défendre le service public – au-delà de la fonction publique d’ailleurs – dans les secteurs de l’énergie, des transports, des communications,… demande de défendre les statuts de agents, de lutter contre la contractualisation qui est en réalité la précarisation, contre les privatisations. Défendre le service public exige aussi d’en défendre les moyens et les effectifs, essentiels aux conditions de travail. Cela qui passe par l’indispensable et urgente revalorisation des carrières alors que l’insuffisance des salaires et des perspectives d’évolution rend du plus en plus difficile le recrutement.


Le congrès confédéral de Rouen a confirmé une grande homogénéité sur l’essentiel, sur les revendications, au grand dam de ceux qui souhaitaient des déchirements internes. 

Tu y as largement contribué … Nous avons une confédération en ordre de bataille …

Ce n’est pas à moi de le dire… mais je le crois. Ce congrès a été riche, car la confédération est riche de son indépendance, de sa démocratie, de la liberté de ses débats. Chacune et chacun sait qu’il peut s’exprimer, exposer son point de vue sans crainte aucune. J’ai beaucoup insisté sur la nécessité que chacun s’assure de son libre arbitre, de ne jamais céder à la facilité, à l’affirmation du tribun, du dirigeant, de la majorité ou de la pensée qui paraît dominante. 

Il faut toujours chercher la connaissance du sujet, s’informer du pour, du contre. S’assurer de son propre cheminement de pensée afin de se positionner librement, en étant capable de débattre, de faire valoir ses arguments, de convaincre.

L’indépendance de notre Confédération ne peut être fondée que sur votre propre indépendance et autonomie de pensée, celle de chacun, mes camarades.

Notre congrès en a fait la démonstration avec une quasi unanime approbation au terme de débats pourtant très nourris et parfois vifs !

 

Quelques mots pour conclure …

Ce sera très court : longue vie au syndicalisme libre et indépendant, qui demeurera toujours un combat indispensable, et longue vie du même coup à la Confédération générale du travail Force Ouvrière.


Finalement, la retraite, ce n’est pas si pénible ?

Battons-nous sans relâche pour que tous les travailleurs dans le monde conquièrent ce droit avec celui plus large d’une sécurité sociale. Trop, bien trop nombreux en sont dépourvus ! Et cela passe par préserver ce droit effectif quand il a été conquis. Cela en vaut plus que la peine et cela est à l’honneur de FO.


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Interview d'Yves VEYRIER, ancien secrétaire général de la CGT-FORCE OUVRIÈRE - Première partie