Interview de Yann le Fol, secrétaire général du Groupement Départemental FO et secrétaire FO des établissements de Saint-Brévin, et de Laurent Narzic, secrétaire FO du CHSCT de l'EPMS Le Littoral.
Quelle est la situation de l'EPMS Le Littoral de Mindin (Saint-Brévin) ?
Laurent Narzic – Fin 2010, FO a interpellé l'Agence régionale de santé (ARS) et le Conseil départemental (CD) sur les dérives budgétaires qui ont conduit, en 2013, au départ en retraite précipité du directeur général de l’époque. Par sa gestion budgétaire douteuse, ce dernier avait généré un déficit énorme. Depuis, l’EPMS Le littoral a connu une succession de directeurs : des directeurs par intérim, un cabinet de gestion privé à plusieurs milliers d’euros/mois... Pour Force ouvrière, il est inacceptable que cette situation que nous avons dénoncée, aggravée par l'inertie des tarificateurs (ARS et CD), se répercute les agents et les résidents, dont les acquis sociaux ou les prestations de prise en charge sont rognés.
Yann Le Fol – En 2016, deux structures extérieures (MAS Opaline de Savenay et FAM de Bouvron) sont transférées sur l’ESAT de la Soubretière de Savenay. Une direction commune est mise en place avec 5 établissements, dont les établissements de Mindin et l'ESAT de la Soubretière. La directrice, Mme Gilles-Garaud, qui avait effectué un mois d’intérim en 2013, met alors en place un Plan de Retour à l’Équilibre et de Modernisation (PREM), avec signature tripartite (direction, ARS et Conseil départemental). Dès son arrivée, elle s’est confiée à un cadre sur son objectif de mettre un genou à terre à Force Ouvrière.
Quelles sont les premières mesures issue de ce PREM ?
Laurent Narzic – Malgré l’opposition de Force Ouvrière, qui dénonce une dégradation des conditions de travail des agents et de prise en charge pour les résidents accueillis, sont supprimés : 4,5 postes sur le pool de remplacement, un poste cadre de nuit avec mise en place d’astreintes pour les cadres, 19 RTT pour les agents contractuels. Les agents en CDD se voient signifier une fin de contrat au bout de trois ans, etc.
Yann Le Fol – Très rapidement, un mouvement social est déclenché, très suivi par les agents. Il durera 18 mois et permettra d’éviter la mise en place de nouvelles mesures prévues par la direction, notamment la mise en œuvre d'un week-end de travail avec amplitude de 12h ou la modification du protocole d’accord sur les 35h avec perte de RTT pour les agents titulaires, etc.
Comment ont réagi les tarificateurs ?
Laurent Narzic – L'ARS et le Conseil départemental, pourtant avertis de cette situation, n’ont pas jugé utile d’intervenir afin d'apaiser le conflit. Bien au contraire, ils ont confirmé la directrice générale dans ses fonctions et ses missions. Celle-ci a donc poursuivi sa feuille de route avec de nouvelles mesures rétrogrades, parmi lesquelles des nouvelles suppressions de postes (coordinateurs et infirmiers de nuit) ou le lancement du projet de délocalisation des établissements de Mindin sans concertation.
En quoi consiste ce projet de délocalisation ?
Yann Le Fol – La délocalisation prévoit d'éclater nos établissements sur trois zones géographiques (sud de Nantes, Carène, sud Loire), avec une réduction de 30% des capacités d’hébergement. La volonté est également d’affaiblir le syndicat FO, majoritaire sur les trois établissements concernés.
Comment le syndicat a-t-il réagi ?
Laurent Narzic – Face à cette dangereuse dégradation, le syndicat FO a engagé différentes procédures en plus d’un mouvement social enclenché dans l'action commune avec la CGT. De nombreux débrayages ont été effectués entre 2017 et 2020, avec plusieurs coups d'éclat et une interpellation des élus locaux… Un recours au Tribunal Administratif a par ailleurs été engagé, concernant le non-respect de la réglementation sur les congés d’été. Il est toujours en cours. Plus récemment, en janvier 2020, nous avons effectué un signalement auprès de la Procureure de la République de Saint-Nazaire pour mise en danger des professionnels de nuit, des infirmières d’astreinte et des résidents, suite à la suppression des postes des infirmières de nuit. Nous en attendons le retour. Une expertise, dont la délibération a été votée en CHSCT le 22 janvier dernier, démontre l'ampleur des difficultés engendrées par la dégradation des conditions de travail. En dépit de nos alertes, la direction est dans le déni. Les indicateurs sociaux relevés entre 2015 et 2018 (les 2 seuls bilans sociaux depuis l'arrivée de Mme Gilles-Garaud) ont explosé, avec une recrudescence jusqu’en 2020 de : +182% pour les accidents du travail, +52% pour les maladies de longue durée, longues maladies et graves maladies, +177% pour les maladies professionnelles, +19% pour les maladies ordinaires, des Fiches d’événements indésirables liées à de la violence, des dysfonctionnements institutionnels, des horaires dégradés, des sous-effectifs…, dix droits d’alerte déposés en 3 ans, des témoignages écrits décrivant la dégradation des conditions de travail, des situations de burn-out reconnues par la médecine du travail, etc.
Yann Le Fol – C'est dans ce contexte que, le 29 janvier dernier, la directrice générale fêtait son départ en retraite et présentait ses vœux. La salle était quasiment vide (15 personnes tout au plus, dont des collègues directrices à elle, mais aucun agent de l’hébergement). L’intersyndicale FO et CGT, qui avait organisé simultanément une Assemblée Générale et un débrayage, a envahi la salle à plus de 100 manifestants. La directrice générale a refusé que les représentants du personnel puissent s’exprimer sur l’actualité et les années passées. Les manifestants présents l’ont donc empêché de poursuivre ses vœux. Elle en porte seule la responsabilité. Son attitude, qui mélange l'absence de dialogue, le chantage sur un dossier individuel d’un agent du 44, voire même des menaces à mon encontre résument bien ses trois années de présence sur l’établissement.
Laurent Narzic – Deux jours plus tard, en ma qualité de secrétaire FO du CHSCT de l’EPMS Le Littoral, je recevais une assignation à comparaître devant le Tribunal de Grande Instance de Saint-Nazaire le 3 mars prochain à 10h. L’établissement a pour objectif de demander l’annulation de l’expertise pour risque grave, votée le 22 janvier 2020, au prétexte que celle-ci ne serait pas objectivée, mais seulement l’aboutissement d’une relation conflictuelle entre la directrice générale et certains représentants syndicaux. Il nous reviendra au contraire de démontrer au tribunal le risque lié au mal-être des agents, qui nous accompagneront dans la procédure.
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